miercuri, 28 mai 2014

Interviu cu poetul francez Serge Pay

Prin doomii doispe-n aprilie asa, ma aflam in Franta, la Toulouse unde, printre altele, l-am cunoscut si pe marele poet francez Serge Pay care, impreuna cu alti poeti pe care i-am mai cunoscut, mi-a aratat ca exista si alt gen de poet fata de cei cu care eram eu obisnuit aici in Romania, cu alta mentalitate, cu alta atitudine, dar si alt fel de-a scrie poezie.
Fiind in vizita impreuna cu buna mea prietena Agnes Birebent la domnia sa acasa, dintr-una-ntr-alta mi-a venit ideea sa-i iau un interviu, ceea ce-am si facut acolo in dormitorul in care poetul zacea cu nu stiu ce suruburi prin picior, impreuna cu Agnes.
Uitasem de acest interviu, dar aseara, Agnes a binevoit sa-mi trimita aceasta varianta transcrisa de pe filmare si reportofon, caci dupa ce s-a terminat bateria camerei am trecut pe reportofon..
Interviul este in limba franceza, asa cum a fost luat si, dupa cum se va observa, este de o mare valoare... Voilla:



INTERVIEW SERGE PEY

SGB. Pour éviter les présentations, vous pouvez présenter vous ?

SP. Me présenter moi ? Je suis un assassin. Je tue. La poésie doit tuer. La poésie est un meurtre. Parce qu'elle ne veut pas de public. Tout poète est donc un assassin, et mon modèle c'est un grand assassin qui est mort sur l'échafaud la tête coupée, et qui s'appelle Lacenaire. Aujourd'hui le but d'un poème ce n'est pas de dialoguer, c'est de tuer celui qui entend le poème pour qu'il devienne un poète. Le but de la poésie c'est que l'autre devienne poète. D'ailleurs il n'y a que les poètes qui peuvent lire des poèmes. Donc il faut tuer, c'est pour ça que je suis toujours armé, avec des fusils, des grenades, des mitraillettes, pour tuer le public. Donc le but d'un poète c'est de devenir, s'il ne l'est pas encore, un assassin. Alors, un assassin d'amour, mais un assassin. Et en plus, le poète doit assassiner la poésie. Il doit assassiner le public, mais aussi la poésie. Un poète qui n'assassine pas la poésie n'est pas un poète. Et la poésie n'est qu'une fraternité d'assassins. Mon premier poète que j'ai aimé était un assassin. C'était François Villon, qui a assassiné un curé, comme je les aime pas je suis très content qu'il ait assassiné un curé, ensuite il était homosexuel, et ensuite il a organisé un hold up de la banque de l'université. Il s'appelle François Villon. La poésie française, la mienne, est une poésie insurrectionnelle, maudite, différente, une poésie de guerre. Donc je ne suis qu'un guerrier. Un guerrier de l'invisible et du visible. Mais je travaille beaucoup dans l'invisible, et les assassinats que je pratique sont dans l'invisible et l'inconnu. Voilà, tu as compris, j'ai articulé…

SGB. (rires) J'ai compris, et je suis parfaitement d'accord avec ce que vous avez dit. 

SP. Très bien… Autre question !

SGB. Vous disiez tout à l'heure que vous êtes un peu fatigué, que les gens, que les choses, que ainsi de suite. Quand avez-vous éprouvé de la joie pour la dernière fois ?

SP. Oui, parce que…on est seul, on est seul et le monde... Le poète appartient au monde du nombre, et pas au temps du chiffre. Il est dans le nombre. Et dès qu'il est dans les chiffres, et notre société est une société de chiffres, on a envie de mettre le feu aux chiffres. Les gens d'ailleurs ne sont que des chiffres. Les masses, c'est une façon de compter les êtres humains, qui ne sont plus des êtres humains. Donc nous avons en nous la tentation d'être des terroristes, c'est difficile de pratiquer l'humanisme, l'humanité, et en même temps de voir monter le fascisme par exemple, et de penser qu'il y a des millions et des millions de Français qui sont des idiots, ça me rend malade. En même temps, cette bêtise des Français, cette idiotie, me renvoie au temps de Socrate. Le peuple athénien était aussi idiot, parce qu'il a forcé Socrate à se tuer parce qu'il ne respectait pas les dieux et parce qu'il pervertissait la jeunesse. Donc il me semble que rien ne bouge dans l'histoire de l'humanité, que toutes les choses sont pareilles, et que nous sommes obligés de rouler une pierre comme Sisyphe en haut de la montagne, et savoir qu'elle redescend, et il faut la remonter, y'a des jours où j'en ai marre, y'a des jours où j'ai envie de casser la montagne, et de renverser le rocher sur tous ces ânes qui sont même pas capables de voir la beauté du rocher et de la montagne. Et je suis en colère…

AB. Mais ton dernier moment de joie ?

SP. Immédiatement, là, avec vous ! Ici, maintenant ! Dans le présent perpétuel. C'est mon dernier moment.

SGB. (rires) Ouais, ouais, ouais… 

SP. Et quand je vois le visage de la femme que j'aime.

SGB. Est-ce que vous fumez de l'herbe ?

SP. J'ai fumé de l'herbe, j'ai pratiqué beaucoup, enfin, d'une manière rituelle toujours, fumer c'est pas mon truc, mais la poésie est toujours liée à l'hallucinogène sacré, c'est une transformation de l'esprit. Un poète c'est quelqu'un qui perce le monde du réel pour voir l'invisible. Donc il peut le voir avec le stylo, il peut le voir aussi avec le peyotl, avec l'herbe, avec ce que vous voulez. Mais l'herbe, le peyotl, l'hallucinogène ne sont pas la condition du poème ! Ce n'est pas parce que tu te drogues que tu vas devenir un poète. Sinon, tout le monde se mettrait à écrire des poèmes, je serais content, mais ce n'est pas vrai. Michaux, par exemple, parle de pauvre petit miracle… Mais souvent, le côté dionysiaque qu'il y a dans le poème peut se vivre dans une transgression hallucinatoire avec l'herbe, la psilocybine, le peyotl, la mescaline, etc. Disons que nous avons une frontière commune. Les Grecs en parlent, ils n'en parlent pas de cette façon, mais ils établissent un parallèle entre l'érotisme, la poésie et la folie dionysiaque. Ils appellent ça les mania, les manies, et donc pour eux ces manies sont groupées, entre la mania érotique, la mania télestique, la mania religieuse, la mania dionysiaque.

AB. C'est l'hybris ?

SP. C'est les folies, chez les Grecs. Mais donc la poésie est forcément là… D'ailleurs, quand on écrit un roman, qu'est-ce que c'est que les romans la plupart du temps ? Un roman c'est la mise-en-scène de la folie. Un roman où il n'y a pas la folie, qui est uniquement une histoire personnelle comme nous en avons beaucoup aujourd'hui, ça intéresse vraiment personne, et je me demande comment on peut écrire de telles choses. Il faut que la poésie soit là, et je crois par ailleurs que nous ne sommes pas seuls, que toi t'es pas seul, que moi je suis pas seul, qu'en nous nous sommes plusieurs, et que la capacité de faire parler les êtres qui vivent en nous, les milliers d'êtres, c'est la condition du poète. C'est-à-dire qu'il faut briser son unité pour vivre une schizophrénie active et essayer d'écrire, de peindre, de retranscrire un de ces personnages qui habitent en nous. Et ce personnage qui habite en nous est là, et il va réveiller des personnages qui sont à l'intérieur des autres. Donc à la limite lorsqu'on récite des poèmes, si on est fort, on pourrait presque sortir de la salle, et laisser notre double sur scène, qu'on ne voit pas, parler au double des gens qui sont dans la salle, et qui ne le voient pas. Ça fait que les spectateurs pourraient sortir de la salle, le poète sortir de la scène, et ne laisser que des fantômes parler entre eux. C'est le but, je crois, de la poésie, laisser parler les fantômes. La poésie n'est qu'un dialogue avec les morts. 

SGB. Croyez-vous que les drogues hallucinogènes, psychotropes, tous ces trucs là, ont eu au cours de l'histoire de l'importance sur la culture, la civilisation, sur l'humanité ?

SP. Oui, l'homme a appris à parler avec la psilocybine. C'est la psilocybine qui a ouvert des zones obscures dans le cerveau. Je crois. C'est l'absorption massive de psilocybine par le préhominien qui a créé l'humanité. C'est le singe qui mange de la psilocybine…

SGB. Ouais, je crois ça aussi.

SP. Bon, c'est une intuition que j'ai. Autre question !

SGB. Autre question. Quel est le message que vous voulez transmettre par votre poésie ? En général ?

SP. D'une certaine façon, quand je comprends quelque chose, j'ai envie de le dire à quelqu'un. Donc ce que j'ai envie de transmettre c'est l'éternité. C'est les moments d'éternité. C'est le présent qui se transforme par moments en éternité. Si je voulais transmettre, c'est ça, c'est la transformation du présent en éternité. Pas d'espérance, mais le présent éternel. Et j'essaie de le capturer et de l'écrire de cette façon là. Et puis après, je n'ai pas de réserves sur ce que j'écris. Je veux dire, je peux écrire de l'amour, ou du poétique, ou du philosophique, sur tout ça d'ailleurs… mais c'est surtout une poétique de la pensée que je fais. Qui est pour moi différente de la philosophie. 

SGB. Avez-vous rencontré, au cours de votre vie, des poètes roumains?

SP. J'ai connu Gherasim Luca, qui était mon ami. J'ai fait des récitals avec lui. J'ai connu aussi Isidore Isou. Il est connu en Roumanie ? C'est l'inventeur du lettrisme !

SGB. J'en sais rien ! C'est quoi ce mouvement, le lettrisme ?

SP. Les lettristes c'est la rupture complètement des unités sémantiques dans le poème, et réduire le poème à uniquement une qualité sonore, réinventer une langue qui n'existe pas, proche de la glossolalie et de la prononciation des lettres. Le lettrisme c'est la continuation de ce qu'a fait Kurt Schwitters, mais Isidore Isou écrit un manifeste lettriste, il invente donc une poésie, il est Roumain, il est en France, et il casse complètement le sens de la poésie et…il aimait les bruits, il prononce les lettres, c'est ça le lettrisme. La poésie n'est plus réduite aux mots, à ses signifiés mais à des signifiants qu'il invente. Isidore Isou, il est à Paris, il y habite toujours [non, il est mort…], c'est l'inventeur du lettrisme. Il a participé avec Dufrêne à un tas de mouvements, de revues, etc. Mais celui que j'ai connu, de Roumain, c'est Gherasim Luca. Je crois que j'en ai connu d'autres, mais je me souviens plus…

AB. Rodica Draghincescu.

SP. Ah oui, Rodica Draghincescu. Mais elle, elle a disparu. Elle habite dans le nord de la France, je crois. Elle m'écrit de temps en temps. Elle m'a traduit en roumain, aussi, Rodica Draghincescu. Elle est connue en Roumanie ?

AB. Oui, elle est connue, elle a fait une revue aussi, qui a réuni…

SGB. Ça n'a aucune importance. Mais dites-moi sur Gherasim Luca quelque chose of the record.

SP. Quand il est mort, Gherasim Luca, il s'est suicidé, il s'est suicidé dans la Seine. Dans le fleuve, à Paris. Quand j'ai appris sa mort, j'ai écrit un poème. Pour lui. Et dans son style. En faisant croire que c'est lui qui l'avait écrit pour sa mort. Et j'ai écrit un texte sur la relation sonore entre la Seine – le fleuve – et la scène du spectacle. Y'a des gens qui ont cru réellement que c'était un poème de Gherasim Luca. D'ailleurs à ma soutenance de thèse sur la poésie, ils m'ont dit: "quel beau poème de Gherasim Luca, qu'il a envoyé", mais c'est moi qui l'avais écrit ! Et je leur ai dit : mais écoutez, c'est moi qui l'ai écrit, ce poème… Et quand j'ai été à l'enterrement…

SGB. Dites le poème. 

SP. Eh ben c'est sur la Seine ! Je m'en souviens plus, du poème…c'était : Dans la Sé – dans la Sé – dans la Sé Seine – je tom – je tombe – je me – noies… Parce que c'est une poésie bègue, Gherasim Luca ! La sé, la sé, la séseine, la seine, la seine ! la seine !! la seine, la séseine… enfin, je m'en souviens plus, mais c'était comme ça. Et j'ai été à la cérémonie. Y'a eu deux cérémonies pour Gherasim Luca. Une chez Liliane Vinci, où j'ai fait mon récital avec… il y avait la femme de Gherasim, et il y avait Jean-Jacques Lebel et beaucoup d'amis… et j'ai dit pour sa mort le poème le plus pornographique que je connaissais. Le poème de Promellé, sur un amour pornographique dans des termes très orduriers, scatologiques. Et tout le monde a trouvé ça très bien. Et Lebel, lui, qui est un ami, Jean-Jacques, il s'est mis à crier, à hurler, à vomir, et à parler des cadavres des Algériens que la police française avait jeté dans la Seine. C'était dans la petite galerie de la Ramesie, qui est ma galerie, d'ailleurs, à Paris. Et puis aussi, on a fait un hommage à Beaubourg, au Centre George Pompidou, et j'ai dit je sais pas quoi, je m'en souviens plus. Pour Gherasim. Qui ressemblait à Picasso, physiquement, il parlait, il était impressionnant… Ce poème je l'ai publié dans Droit de Voirie, il y est. Il faudra que je le trouve, je te le passerai. 

SGB. Quand avez-vous commencé à écrire de la poésie ?

SP. Le premier poème que j'ai écrit… La question de l'origine est toujours une fausse question. L'origine est tragique, toujours. Et je suis dans la tradition d'un philosophe qui s'appelle Deleuze, je rejette l'origine des choses et je pense toujours à partir du milieu des choses. D'un centre que je créé, immédiat. C'est-à-dire que là, je suis dans ma propre origine, maintenant, face à toi. Je suis un point, et je regarde les espaces, comme Saint Augustin, qui sont dans le passé et les espaces qui sont dans l'avenir. Donc mon origine c'est moi, là. Donc je peux réinventer des rhizomes qui partent de ce centre où je suis, c'est comme ça que je vois les choses. Parce que si tu veux, l'origine de quand tu as écrit un premier poème, ça implique beaucoup de choses. D'abord je ne crois pas qu'on écrive comme ça. Je crois qu'on est toujours double, deux, et la question serait : quand est-ce que tu as découvert que tu avais quelqu'un d'autre qui vivait en toi-même ? Et que tu vas réveiller, et qui va te remplacer. C'est ça qui est important. Et en même temps, le regard de l'autre. Qui est l'autre qui t'a dit pour la première fois que tu étais un poète ? Alors, c'est pas moi qui dis "je suis poète", mais c'est l'autre qui dit "tu es poète". 

SGB. Quand avez-vous dit de vous-même que vous êtes poète ?

SP. La poésie est une relation entre la vie et le langage. Et tout le monde a une relation entre la vie et le langage. C'est pour ça que tout le monde, à la limite, peut être poète. Mais la conscience que j'ai eu de la poésie, c'est quand j'ai compris qu'un poème n'était pas uniquement un croisement de mots, mais aussi un croisement de directions. Et c'est à partir de là que j'ai compris que j'étais poète. Au début, j'ai croisé des mots, j'ai croisé des souffrances, j'ai croisé du visible. Et un jour j'ai compris qu'en croisant des mots, je devenais un être magique, un mage, et que la magie est la condition même du poète. C'est-à-dire que si les poètes ne pratiquent pas la magie, ils ne sont pas des poètes.

SGB. And there is nothing beyond magic.

SP. Exactly. Donc la première fois, c'est quand j'ai pu déplacer un objet, mentalement. Ou déplacer un être. Mais la première écriture que j'ai faite, je m'en souviens. Je m'en souviens, le premier poème. Mais c'était peut-être pas de la poésie.

SGB. Mais que pensez-vous que c'est, la poésie ?

SP. J'ai écrit, dans le fond, mon premier poème très tard, bien que j'ai commencé à écrire très jeune, mais la conscience de la poésie, je l'ai eue très tard. Enfin, très tard…vers 18 ans, quand il y avait beaucoup de monde qui venait manger à la maison. Nous n'avions pas de table, et mon père a enlevé la porte d'entrée de la maison, il l'a posée sur des tréteaux, et nous avons mangé sur une porte. C'est là, symboliquement, la première poésie d'action que j'ai commise. Et etc. Je suis à la recherche permanente d'une réalité dans le poème. Permanente. Et je fais la différence entre les poèmes fabriqués dans l'alliance des mots, et les poèmes qui ne sont pas fabriqués dans l'alliance des mots. C'est important. Donc l'origine, elle est permanente. C'est comme si tu demandais à une tête, à une chevelure, de trouver l'origine de son premier cheveu. C'est impossible, de trouver l'origine de son cheveu. On n'a pas qu'un cheveu, on en a plein. Où est l'origine de ta chevelure ? Une autre question.

SGB. Quelle est votre orientation politique ? Si vous en avez une ?

SP. Oui, je suis un héritier de la révolution espagnole, donc personnellement je suis libertaire, je respire l'anarchie. Quelqu'un dont je me sens très proche politiquement, c'est quelqu'un qui s'appelle Victor Serge. Qui était un anarchiste qui a participé à la révolution russe. Et qui a fini au Mexique. J'ai rencontré son fils au Mexique. Donc je suis un anarcho-libertaire, et pour le mode de production, pour la vie, je reste sur des bases socialistes. C'est-à-dire que, autant je hais le stalinisme, autant je hais le système capitaliste que nous avons. Je suis pour une liberté, je suis pour qu'on construise la fraternité, mais vraiment une construction entre nous. Et ça c'est une tâche fondamentale ! Ce n'est pas l'Etat qui doit construire la fraternité, c'est nous qui devons la construire. La liberté, c'est une conquête permanente. Et l'égalité, alors, l'égalité… je revendique les trois concepts de la révolution française, liberté égalité fraternité, parce que je trouve que c'est fondamental, et je suis pour que les choses évidentes – l'école, la santé, les transports je ne sais pas – appartiennent au peuple et à l'Etat. Donc je ne suis pas pour ce qui se passe en Angleterre, je suis contre la privatisation des hôpitaux, je suis pour que les gens puissent être soignés, puissent manger, puissent être éduqués le mieux possible, avec toutes les égalités des chances possibles. Et je suis pour que le livre devienne le centre de ce que nous sommes. Walt Whitman disait "la démocratie est une association de lecteurs libres". Donc je suis pour la lecture. D'ailleurs si j'étais ministre de l'Education Nationale, je ferais lire tout le monde. Des tonnes de livres ! Il faudrait que les enfants lisent au moins 50 livres par an, des gros, et plus ils y arriveraient, qu'ils lisent de la philosophie, des choses intéressantes. Le livre est la condition même de notre liberté. Quand j'étais avec les révolutionnaires sandinistes au Nicaragua, ils m'ont dit : y'a deux choses qui nous rendent égaux sur terre. La mort nous rend égaux à tous, et la deuxième chose qui nous rend égaux, c'est le livre. Parce qu'avec un livre, le riche peut lire un livre, et le pauvre peut lire le même livre, et avec le livre de la pensée, on peut être pareils.

SGB. Mais si on lit trop, quand est-ce qu'on vit ?

SP. Mais le livre n'est que le résultat de la relation entre la langue et la vie ! Tu ne peux écrire un livre que lorsque tu as une relation entre la langue et la vie. Le livre n'est pas à côté de la vie, il est dans la vie. Il faudrait que tout le monde écrive des transitions entre la langue et la vie… Tu es un livre, toi !

SGB. Ouais, je suis un poème…

SP. Tu es un poème. Dernière question !

SGB. Laissez-moi penser…Comment décririez-vous un monde parfait dans lequel vous aimeriez vivre ? Une nouvelle vie depuis le début, genre.

SP. Mais y'a pas de monde parfait… Y'a pas de monde parfait !

SGB. Dans lequel vous naîtriez à nouveau?

SP. Non, y'en a pas. Y'en a pas ! Le monde est toujours là. Mais c'est ce que je disais tout à l'heure… La liberté c'est fondamental, la liberté. Et que les gens mangent à leur faim. Mais y'a pas de monde parfait. Le monde parfait c'est une lutte permanente.

SGB. Etes-vous pour la décriminalisation du trafic et de la consommation de drogues, comme la cocaïne, l'herbe, la mescaline et autres… ?

SP. Oui…cocaïne… Sauf l'héroïne. Parce que j'ai trop vu des amis qui sont morts. Mais la cocaïne, toutes les drogues, je suis pour les rendre libres, l'herbe, libre, complètement, mais les autres drogues fortes, uniquement dans les pharmacies. Mais à prix réduit. Je suis pour la dépénalisation complète. Parce qu'on ne peut pas imaginer ce que c'est la maffia, dans le monde ! C'est terrible, l'argent des armes, l'argent des drogues, c'est inimaginable, et la prostitution, c'est inimaginable… Ça se tient, tout ça. Il faut absolument rendre la drogue libre, mais pas que les enfants prennent de la drogue, je suis évidemment contre, mais bon, qu'il n'y ait plus de trafic. Que ce soit la communauté, l'Etat qui organise ça. Qu'on organise la plantation d'herbe, ça serait bien. Je suis pour que les prostituées s'organisent en coopératives, en supprimant le proxénétisme, et que si elles veulent vendre leur corps, elles vendent leur corps. Mais que ce soit une liberté, pas une exploitation, mais ni ce qu'on voit aujourd'hui. Que les filles, elles fassent ce qu'elles veulent. Ça c'est très important, puis supprimer le trafic d'armes, mais ça c'est un vœu qui est difficile à réaliser, parce que les rapports de force sont tels sur terre que, si t'as pas les armes les autres ils en ont et puis…ils te tuent. Mais les deux choses, la prostitution et la drogue, il faut les voir sous un autre angle. Supprimer, par exemple, les proxénètes et les trafiquants de drogue. Pour moi, ça c'est des gens terribles puisqu'ils vivent de l'exploitation et de la diminution mentale des êtres.

SBG. Ce sont les élections en ce moment en France, entre Sarkozy et…comment il s'appelle celui-là ? Hollande. Pour lequel d'entre eux voteriez-vous ?

SP. Je voterai forcément, parce qu'il y a un danger fasciste, et je ne veux pas que Sarkozy, qui est quelqu'un d'épouvantable, qui est un baron d'ailleurs, qui est un noble, et qui reproduit avec sa classe sociale les oppressions de l'ancien régime… je crois que le devoir de tout révolutionnaire, le devoir de tout poète est de nous débarrasser de ce monstre qui s'appelle Sarkozy, et qui joue avec le fascisme, en France aujourd'hui. Donc pour me débarrasser de Sarkozy, je vote Hollande, même s'il me plait pas, mais pour me débarrasser de Sarkozy il faut voter Hollande. Parce que Sarkozy détruit les hôpitaux, Sarkozy détruit tout ce que… l'école ! Hier il disait : "60000 fonctionnaires !" Mais vous savez ce que c'est, ces 60000 fonctionnaires ? C'est 60000 instituteurs, professeurs qu'Hollande veut remettre. Et Sarkozy il les appelle les fonctionnaires… Enfin c'est inimaginable. On sait que l'école est chère…

AB. Les fonctionnaires, c'est l'ennemi…

SP. Oui, c'est l'ennemi. Il veut que l'école soit privée, soit payante, ça commence déjà, d'ailleurs, et ça il faut lutter contre. Quand je vois la relation que tu as avec l'école, pour moi c'est déterminant pour un homme politique. Quand un homme politique attaque l'école, je trouve que tu dois l'affronter. Tu peux pas…et il attaque aussi la santé ! Si t'as envie d'être soigné, tu dois être bien soigné. C'est le plus important, je trouve. Sarko, c'est vraiment… c'est un parti de merde ! Et donc les fascistes, par exemple, tu vois, je suis contre Marine Le Pen, qui est contre l'avortement pour les femmes, enfin, etc. Et quand je vois que 25% des femmes ont voté pour elle, je tombe raide, elles doivent pas savoir qu'elle est contre l'avortement. Et le racisme, tout ça, ça me rend malade…et Sarkozy fait une campagne raciste !

AB. Il s'associe avec l'extrême droite.

SP. Il s'associe… Il a le même discours, depuis longtemps d'ailleurs, que l'extrême droite, pour récupérer ses voix. Et les gens… tu te rends compte, tu as quand même à peu près 30% des gens qui sont sur les bases de l'extrême droite en France. C'est pour ça que je suis pas très bien. Un Français sur trois est facho ! Tu comprends ce qui s'est passé en Allemagne avec le nazisme. On le comprend parfaitement. Et Sarkozy est une ordure, c'est un machiavel total ! Quand tu le vois parler hier à la télé… il devait s'être défoncé à la coke… et puis après il va faire arrêter les gens qui fument de l'herbe. Là, le dernier truc qu'il a fait, il a repris les propositions du Front National sur la présomption d'innocence. Y'a un flic qui vient de tuer un type, et les flics ont manifesté, et donc Sarkozy a demandé la présomption d'innocence pour ce flic qui a tué quelqu'un, d'emblée. La police doit être démocratique et contrôlée par la citée.

SGB. Comment voyez-vous la Roumanie… depuis Toulouse?

SP. Je la vois pas, la Roumanie… Je vois qu'Agnès, je pense à Gherasim Luca, qui est mort y'a longtemps. Je pense à Cioran, je pense rien qu'à des livres, que j'ai lus, sur la Roumanie, c'est tout. Je connais pas la Roumanie. Tous les Roumains que j'ai rencontrés étaient des gens sympas, ensuite j'ai rencontré des Roumains qui mendiaient dans les rues, ici, des Tsiganes, mais je n'imagine pas ce qu'est la Roumanie. Je n'y suis jamais allé. Je la connais qu'à travers la poésie et la littérature. Et je trouve que c'est une grande littérature, une grande poésie, et que les Roumains, peut-être interprètent-ils le monde à travers une littérature. Donc, puisque la Roumanie a une très forte littérature, j'ai confiance dans l'avenir de la Roumanie. Puisque, pour moi, un peuple n'est qu'une littérature. Uniquement. Un peuple qui ne créé pas de littérature orale, ou écrite, ça n'existe pas, mais le peuple roumain est un grand peuple pour sa littérature. Son humour, son recul, les disjonctions qu'il opère, à travers ce que j'ai pu lire… Après, bon, j'ai pas de leçons, je connais pas, pour répondre comme ça à cette question. D'ailleurs, je peux répondre à peine sur la même question que tu me poserais pour la France. La dernière, la dernière !

SGB. Vous viendriez en Roumanie, pour faire une lecture, une performance, un truc, un truc qui assure ?...

SP. Avec plaisir ! Il y a des années qu'Agnès m'invite, mais bon, j'attends qu'on m'invite… Rodica voulait m'inviter aussi, mais j'ai jamais reçu d'invitation officielle. Mais bien sûr, j'aimerais…voir les petits quartiers, rencontrer des poètes roumains, j'aimerais boire de l'alcool avec eux, j'aimerais manger des saucisses… Evidemment que j'aimerais bien aller en Roumanie quelques semaines. La Roumanie… Quand je pense à la Roumanie je pense toujours à la folie des roues, "la folie de la roue"… parce que c'est comme une roue la Roumanie, comment on dit ? une roata.

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